L’homme naît seul, traverse la vie seul et meurt seul.
Ce furent les paroles de Maître Sawaki et celles de Deshimaru.
Tout ce que je peux ressentir, l’autre ne peut le ressentir. Tout ce que je vois, l’autre le voit autrement.
Aucun de mes rêves n’est compris de l’autre.
Tout ce que je vois, sens, goûte, entend ou touche est étranger aux autres.
Personne ne peut comprendre mon esprit.
On regarde l’autre à travers les filtres de son propre esprit et la réalité échappe.
L’homme ne voit plus.
La solitude est très grande pour celui qui guide les autres.
Il n’a pas d’amis et les disciples ne cherchent pas à comprendre son enseignement.
Leur vie personnelle et sociale prend la majorité de leur temps et le peu de temps qui leur reste, ils l’utilisent pour venir à des retraites afin d’échapper à ce monde bruyant et sourd.
Un maître authentique consacre sa vie entière à l’étude de la Voie. Il ne connait ni repos ni distraction. Tout, autour de lui, est prétexte à l’étude. Rien, pour lui, n’est en dehors de la grande Voie.
Ceux qui ont fait des vœux vides de promesses ont peur de s’approcher du maître en raison même de leurs vœux vides et par conséquent, ils ne peuvent devenir ni intimes ni amis.
Ainsi va le monde.
Ni ami, ni disciple.
La peur vient d’une conscience qui n’est pas tranquille et ceux qui partent, pour justifier leur départ, critiquent le maître – car il est bien connu que le disciple a toujours raison.
Pourquoi les êtres humains sont-ils si lâches ?
Je ne puis comprendre les hommes.
Ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui. Il en a toujours été ainsi.
Les petits esprits étriqués se donnent toujours de l’importance.
Ils s’engagent corps et âme sur un chemin puis, sans aller au bout, bifurquent vers d’autres directions. Être fidèle à ses vœux, voilà la première qualité à développer.
Être fidèle à ses vœux, c’est avant tout être fidèle à soi-même.
Lorsqu’on se trahit, que reste t-il ?
Les hommes d’aujourd’hui ne sont plus guidés par leur cœur mais par la bêtise et l’inconscience.
Quand ils partent, ils se retrouvent avec d’autres qui sont comme eux, qui se détestent mais qui doivent se supporter par la force des choses et faire semblant de s’aimer.
C’est ironique et triste.
Tout le monde se fatigue à chercher de l’or dans les arbres.
Pendant ce temps là, on en oublie de vraiment vivre.
Vivre, c’est vivre en homme droit et indépendant.
Tant que les hommes ne sont ni droits ni indépendants, comment peuvent-ils vivre ensemble ?
Sans les hautes valeurs, sans bravoure ni constance ni cœur, il ne reste qu’un ramassis de vauriens et d’égoïstes.
Je pense que l’époque des maîtres spirituels est révolu.
Après cette dernière génération, celui qui indiquait la Voie ne sera plus.
Seule restera la souffrance et l’esclavagisme.
Il n’y aura plus un endroit pour respirer le vent de la vraie liberté et plus de paroles pour s’éveiller.
Les lignées s’effondreront et la transmission du Bouddha s’éteindra.
L’égoïsme des disciples d’aujourd’hui fera s’éteindre la flamme des Éveillés du passé.
Telle est ma vision des choses.
Ce n’est pas du pessimisme mais une lourde constatation.
L’homme court dans le sens d’une soi-disant évolution sans savoir ce que signifie évoluer et sans savoir vers où aller.
Puissent mes paroles ébranler le monde des certitudes et redonner la vue aux aveugles.
Les hommes passent et la montagne demeure.
La foi a déserté le Cœur.
Il n’y a plus de pont entre le mental et la Source.
La foi s’est tarie et les pensées n’ont plus de maître.
Premiers pas du matin
Je suis peintre et l’esprit est la toile.
L’esprit est l’univers en image.
La Nature éternelle et indestructible
Est notre Essence.
Elle donne vie à toute chose,
Son souffle est celui de la vie même.
La terre est bonne et il est bon de sentir ses parfums.
Puissent les générations à venir marcher sur ton corps
D’un pas ferme et doux.
Nous oublions que nous posons nos pieds
Sur le passé, le présent et le futur.
Chaque pas fait résonner l’esprit des anciens.
Dans l’étang, le crapaud ne me perd pas de vue.
Est-ce un homme bon et loyal qui me regarde ?
Les corbeaux achèvent leur discours
Et les arbres se sont tu.
En souvenir du premier âge,
Celui ou nous reçûmes la lumière
Du Corps de la pure Essence,
Je brûle un encens pour le bonheur de tous les êtres.
Quant au crapaud, je lui offre mon retrait silencieux.